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                                   Chapitre I





                    C’était un dimanche ensoleillé du mois de septembre.
            Les parisiens profitaient de cette belle après-midi pour
            arpenter les jardins du Palais Royal. Mais en cette année
            1916, les promeneurs étaient surtout des personnes
            âgées ou des femmes seules accompagnées de leur
            progéniture. Les couples étaient rares, la plupart des
            hommes étant partis au front. On croisait des soldats en
            permission, vêtus de leur uniforme de sortie, mais aussi
            de nombreux invalides de guerre. Certains marchaient
            péniblement avec une béquille, d’autres, moins chanceux,
            étaient cloués sur un fauteuil roulant poussé par un parent
            ou une nurse.

                    Désirée et Ernest avançaient lentement le long d’une
            allée. Pour la première fois depuis sa sortie de l’hôpital
            en avril, Ernest marchait sans béquilles, aidé seulement
            par une canne, sa compagne à ses côtés qui le tenait par
            le bras. Il avait encore du mal à s’habituer à sa jambe de
            bois, sa prothèse comme disaient les médecins. Mobilisé
            au début de la guerre et envoyé sur le front de l’Est, il
            avait été gravement blessé l’hiver dernier d’un éclat
            d’obus sur la cuisse droite. Amputé de la jambe dans un
            hôpital de campagne, il fut ensuite rapatrié à Paris à
            l’hôpital Saint- Antoine où il eut la chance d’être appareillé
            avec une prothèse articulée, un modèle moderne dont le
            pied avait l’apparence d’une chaussure en cuir. C’est
            dans le service de rééducation qu’il rencontra Désirée qui
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