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            s’occuper des blessés de guerre qui arrivaient toujours
            plus nombreux. La vie était chère à Paris et sa pension
            de veuvage ne lui suffirait pas pour vivre décemment. Et
            puis, il fallait qu’elle fasse quelques économies si elle
            voulait un jour ouvrir son cabinet. Elle postula donc et,
            après une brève formation, elle fut affectée dans une aile
            de l’hôpital réservée à la rééducation des blessés
            amputés. Elle était chargée des soins d’une douzaine de
            « poilus » qui avaient perdu, une jambe, un bras et
            parfois deux membres au combat. Et, c’est donc là
            qu’elle rencontra Ernest et qu’elle tomba amoureuse du
            jeune soldat. À sa sortie de l’hôpital au mois de
            mars 1916, ils décidèrent de s’installer ensemble dans le
            petit appartement qu’il occupait avant de partir au front.
            Une nouvelle vie commençait !

                    Déjà, le soleil avait disparu derrière les façades
            qui bordent le jardin. Un petit vent frais commençait à
            souffler et mit fin à la rêverie de Désirée. Elle regardait
            son compagnon qui somnolait encore. Soudain, il
            sursauta, voulut étirer ses jambes et se mit à maugréer,
            réalisant encore une fois que sa jambe droite ne
            répondait plus. Désirée lui prit la main.

                    – Viens mon chéri, rentrons, il se fait tard, nous
            nous arrêterons à la boulangerie si elle est encore
            ouverte.
                    Il regarda tendrement sa compagne, puis, sans
            mot dire, il s’appuya sur sa canne, plia son genou gauche
            et réussit péniblement à se lever. Désirée le prit par le
            bras et ils sortirent du jardin par le passage du Perron.
            Les rues de Paris semblaient désertes en cette fin de
            journée. Ils croisèrent seulement une ambulance qui
            ramenait peut-être des blessés de guerre à l’hôpital
            voisin.
                    Ernest sentait en lui une angoisse qui montait.
            Dès le lendemain, il allait démarrer une nouvelle vie
            professionnelle. Avant la guerre, il enseignait l’histoire au
            lycée Charlemagne. Jeune professeur agrégé, il aimait
            son métier, le contact avec les élèves, et la joie de
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