Page 10 - Mise en page 1
P. 10
14
s’occuper des blessés de guerre qui arrivaient toujours
plus nombreux. La vie était chère à Paris et sa pension
de veuvage ne lui suffirait pas pour vivre décemment. Et
puis, il fallait qu’elle fasse quelques économies si elle
voulait un jour ouvrir son cabinet. Elle postula donc et,
après une brève formation, elle fut affectée dans une aile
de l’hôpital réservée à la rééducation des blessés
amputés. Elle était chargée des soins d’une douzaine de
« poilus » qui avaient perdu, une jambe, un bras et
parfois deux membres au combat. Et, c’est donc là
qu’elle rencontra Ernest et qu’elle tomba amoureuse du
jeune soldat. À sa sortie de l’hôpital au mois de
mars 1916, ils décidèrent de s’installer ensemble dans le
petit appartement qu’il occupait avant de partir au front.
Une nouvelle vie commençait !
Déjà, le soleil avait disparu derrière les façades
qui bordent le jardin. Un petit vent frais commençait à
souffler et mit fin à la rêverie de Désirée. Elle regardait
son compagnon qui somnolait encore. Soudain, il
sursauta, voulut étirer ses jambes et se mit à maugréer,
réalisant encore une fois que sa jambe droite ne
répondait plus. Désirée lui prit la main.
– Viens mon chéri, rentrons, il se fait tard, nous
nous arrêterons à la boulangerie si elle est encore
ouverte.
Il regarda tendrement sa compagne, puis, sans
mot dire, il s’appuya sur sa canne, plia son genou gauche
et réussit péniblement à se lever. Désirée le prit par le
bras et ils sortirent du jardin par le passage du Perron.
Les rues de Paris semblaient désertes en cette fin de
journée. Ils croisèrent seulement une ambulance qui
ramenait peut-être des blessés de guerre à l’hôpital
voisin.
Ernest sentait en lui une angoisse qui montait.
Dès le lendemain, il allait démarrer une nouvelle vie
professionnelle. Avant la guerre, il enseignait l’histoire au
lycée Charlemagne. Jeune professeur agrégé, il aimait
son métier, le contact avec les élèves, et la joie de